Mireille
FAVERGEON
L’eau
peuple les rêves de Mireille Favergeon, l’eau qui, mélangée à la terre avide, lui
permet de faire surgir des formes nouvelles issues de son imaginaire. A la
terre et à l’eau elle ajoute ensuite le feu, autre élément primordial, dont le
maniement est d’une infinie complexité.
Peut-être
est-ce ce jeu avec les éléments qui a poussé la céramiste, découvrant les
photos islandaises de Sophie Hatier, à se lancer dans une entreprise créatrice
inédite, en écho avec les jaillissements telluriques, les moraines brunes et ocres,
les torrents émeraude habitant les œuvres de la photographe.
Comme
cette dernière, elle a eu le courage de se confronter alors aux origines, origines
de la nature, origines de l’art.
C’est
nourrie des textes du philosophe Gaston Bachelard, poète des quatre éléments,
que l’artiste a relevé le défi.
Mireille
a façonné des blocs d’argile qu’elle a recouvert d’un émail épais, travaillant
la couleur, jouant sur brillance et matité, inventant des strates géologiques,
des veines brunes, orangées, rouge sombre, nappant le grès de coulures
bleutées, projetant dans la matière les données de son propre inconscient.
Son
art de céramiste rejoint alors la science de l’alchimiste. Par oxydation,
manipulation de poudres de cuivre, de zinc ou de fer, elle fait naître sur son
bloc de glaise des jaspures fluides ou sirupeuses, grasses, des reflets perlés
ou satinés, des transparences.
Certaines
coulures de l’émail rejoignent les formes abstraites révélées par Sophie
Hatier. Sur l’une de ces photos la montagne pleure des larmes noires qui
semblent couler dans l’eau d’un vert jade qui émaille une vague en céramique.
Maitresse
dans l’art du céladon, art ancestral, la sculptrice a comme tranché dans la
banquise des blocs de glace vert-de-gris. Jouant sur la subtilité des nuances
infinies du céladon, allant du vert tendre à l’émeraude au turquoise ou à
l’aigue-marine, elle évoque dans ses sculptures les eaux primitives, flots
marins, glaciers ou torrents marquant de leur empreinte la terre islandaise.
Par
cette transformation démiurgique de la terre, alliée à l’eau et au feu, dans
une déclinaison sans fin, Mireille Favergeon parvient à révéler la beauté
intime de ce matériau, son attrait caché, concentré à l’intérieur.
Danielle Rousselier